Lettre à mon père

Echappant à tes bras sévères
Je m’en vais le long du pays, les sept semaines acharnées
Au-dessus de la Terre désaxée j’expands les nuages pour que tu marches à mes côtés
Me regardant dans le miroir, je Te vois, image alourdie du karma
La confiance perdue le long des routes où grouillent des visages humains
Arbres et hommes plantés, comme des troncs sombres après la pluie, se regardent
La vague lave la rive avec hâte
Les libellules se poursuivent lentement
Avec tenacité la montagne mord les seins du nuage
Dans un verre immense le jour et la nuit s’absorbent
Je suis devenue femme
Je suis femme
Cela est grave
La mélancolie, l’air menaçant, se lève
Je suis incapable de jeter ma dot de solitude et d’exil
Incapable de prier que l’espace au-dessus ne soit rempli d’étoiles
Les larmes adoucissent les pierres
Et le cor des pieds que le soleil a noirci
Je suis purifiée de tout ténèbre de tout crime
Par la sueur tombée
Par les repas sereins
Par le sourire formé sur mes lèvres en contemplant des enfants
Je souhaite l’enfance je souhaite la vie d’une Mère
Si j’étais revenue à l’âge de treize ans !
Robes colorées, noeuds dentelés, lèvres apprêtées de crème et livres flambant neufs
¤ mes rêves d’enfant sur le porte-bagages de Ton vélo vétuste
S’envolent dans la blancheur de la nostalgie
Je me recroqueville pour que Tu me mettes sur la balançoire du vieux parc
Le chiendent qui garde le rythme débouche sur les rues où chante le vent
Ne sois plus triste
J’ai fait taire les cliquetis de la porte des nuis blanches
J’ai arrêté de refaire mon enfance dans la balançoire
Le soleil serait plus mûr demain
La pluie serait plus pure demain
Je serait fraîche comme une feuille de salade
Commes des gouttes de rosées bien rondes au bout des branches
Mon sourire étincelle quand je me blottis contre Toi
Les sept semaines d’émeraude se bonifient